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et sans examiner si leur proposition était la plus sûre manière de revendiquer leur droit, surtout si elle était d’accord avec leur idée, ils ont posé et proposé, comme signe et gage de cette reprise, la candidature de l’un d’entre eux, qu’en raison de son caractère d’ouvrier, et surtout parce qu’il était ouvrier, ils jugeaient représenter mieux que personne la classe ouvrière.

Je dis que ce fait, joint à tant d’autres de même nature qui se sont produits depuis seize ans, atteste chez les classes ouvrières une révélation jusque-là sans exemple de leur conscience corporative ; il prouve qu’une moitié et plus de la nation française est entrée sur la scène politique, portant avec elle une Idée qui tôt ou tard doit transformer de fond en comble la société et le gouvernement. Et parce qu’une soixantaine d’hommes ont essayé de se faire les interprètes de cette conscience et de cette idée, on les accuse de viser au rétablissement des castes ! On les élimine de la représentation nationale comme rétrogrades, professant des opinions dangereuses ; on va jusqu’à dénoncer leur manifeste comme une excitation à la haine des citoyens les uns contre les autres. Les journaux fulminent ; l’Opposition prétendue démocratique fait éclater son mécontentement ; on sollicite des contre-manifestes ; on demande, avec une affectation de dédain, si les Soixante ont la prétention de mieux connaître leurs intérêts et leurs droits, de les mieux défendre que MM. Marie, J. Favre, E. Ollivier, J. Simon, Pelletan. Un fait social, d’une portée incalculable, se produit au sein de la société : c’est l’avénement à la vie politique de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre, jusqu’à ce jour dédaignée parce qu’elle n’avait pas con-