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Les auteurs du Manifeste avaient prévu cette objection de leurs adversaires, et d’avance ils avaient protesté contre la calomnie : toutefois il faut dire que leur justification laissait à désirer. S’ils affirmaient la distinction des deux classes, ils soulevaient contre eux les politiques du parti et se sentaient perdus ; s’ils la niaient, on leur demandait alors : Pourquoi une candidature ouvrière ! Tel était le dilemme, auquel je demande maintenant la permission de répondre.

En argumentant du mécontentement de la classe bourgeoise, les adversaires du Manifeste se contredisaient sans s’en apercevoir, et reconnaissaient implicitement une vérité profonde, que le Manifeste aurait dû affirmer hautement. On reconnaît volontiers, de nos jours, une classe bourgeoise, bien qu’il n’y ait plus de noblesse et que le clergé ne soit qu’une catégorie de fonctionnaires : comment nier la réalité ? Sur quoi reposerait alors le système orléaniste ? Que seraient la monarchie, la politique constitutionnelles ? Pourquoi cette hostilité de certaines gens contre le suffrage universel ?… Mais on se refuse à admettre la corrélative de la classe bourgeoise, la classe ouvrière : qu’on daigne expliquer cette inconséquence ?

Nos publicistes de l’Opposition n’ont pas vu, malgré leur dévotion aux idées de 89, que ce qui a créé la distinction toute nouvelle, inconnue même aux temps féodaux, de classe bourgeoise et de classe ouvrière ou prolétariat, juste au moment où disparaissaient les anciennes catégories de Noblesse, Clergé et Tiers-État, c’est précisément le droit inauguré en 89. Ils n’ont pas vu qu’avant 89 l’ouvrier existait dans la corporation et dans la maîtrise, comme la femme, l’enfant et le domestique dans la famille ; qu’alors, en effet, il aurait