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Un établissement, au capital de trois millions, occupe 1,000 ouvriers qui, un beau matin, se mettent en grève. L’entrepreneur refuse. Au bout de quinze jours, les ouvriers auront généralement épuisé leurs économies, soit à 2 fr. par jour et par travailleur, une somme de 30,000 fr. L’établissement en sera quitte pour passer par profits et pertes une somme de 5,000 fr., intérêt à 4 pour 100 pendant quinze jours, d’un capital de trois millions ; soit, par action, 0 fr. 84 cent. Au bout d’un mois, l’ouvrier ayant épuisé ses ressources, devra recourir au Mont-de-Piété. Le capitaliste n’aura perdu qu’un douzième de ses intérêts, le capital ne sera pas entamé. Évidemment la partie n’est pas égale.

Et que feront, que diront les ouvriers, si les maîtres, armés aussi bien qu’eux du droit de se coaliser ; armés du libre-échange, de la libre concurrence, de la libre usure, font venir des ouvriers de l’étranger ? Que feront-ils s’ils en demandent à l’armée ? Que feront-ils, si les maîtres alléguant la stagnation des affaires, une crise commerciale, renvoient la moitié des ouvriers, les plus tapageurs et les plus mauvais, et ne conservent que les meilleurs et les plus dociles ? Que feront-ils si, devant la concurrence étrangère, les entrepreneurs ferment leurs ateliers ; si le travail national vaincu, et vaincu par sa propre cherté, ils renoncent à leur industrie et se mettent en liquidation ?

Je l’ai dit et je le répète : une position fatale est faite en ce moment à la classe moyenne. Je n’ai garde d’en accuser personne, ni le Gouvernement, qui a cru faire acte de libéralisme en signant le Traité de commerce, changeant la loi sur les coalitions, et faisant mettre à l’étude