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se soulevât, et sans doute avec raison, contre leur monopole, étaient dans leur droit, et que le Pouvoir n’avait rien à leur reprocher.

Ainsi voilà qui est clair. En 1845, après une période de vive concurrence, pendant laquelle le prix de la houille tomba fort au-dessous de ce qu’il aurait dû être, les compagnies de la Loire se fusionnent : aussitôt on crie à la coalition. J’étais sur les lieux : dans mon opinion, si l’on ne pouvait affirmer que la fusion fût une pure coalition, il y avait en elle de la coalition. Sous ce rapport, et dans la mesure que j’indique, la conscience publique ne se trompait pas. Mais cette coalition était impossible à saisir ; on peut même et l’on doit dire que, eu égard au milieu social dans lequel ils agissaient, les coalisés étaient relativement dans leur droit ; ils s’étaient pour ainsi dire, en faisant une chose inique de sa nature, mis en règle ; ils ne se permettaient rien de plus que ce que fait tout négociant qui profite de la sûreté du monopole qui lui est momentanément dévolu par les circonstances pour élever ses prix ; en un mot ils étaient d’accord avec la légalité.

Eh bien ! c’est ce double caractère d’immoralité foncière et de légalité conventionnelle que nous surprenons dans le même fait, caractère d’immoralité provenant d’un abus de la propriété et d’une coalition contre l’intérêt général, et caractère de légalité provenant d’une association libre dans un milieu anarchique ; c’est ce double caractère, dis-je, qui constitue la contradiction économique ; et j’ajoute qu’aussi longtemps que l’anarchie existera, et qu’elle sera considérée comme la forme du droit économique, cette contradiction est insoluble.