Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/256

Cette page a été validée par deux contributeurs.

été contractée envers une ou plusieurs personnes, sous des conditions déterminées ou mêmes sans conditions. De cela seul que le serment politique est collectivement prêté depuis 1789 à la Nation, à la Loi et au Roi, — peu importe qu’on l’avoue ou qu’on le dissimule, — il est conditionnel, sujet à interprétation, il implique réciprocité. C’est à tort que le Président du Corps législatif prétend fermer la bouche au député, qui, avant de lever la main et de prononcer la formule, demande à donner une explication. La nature même de l’acte implique pour celui qui jure le droit de s’expliquer.

Au reste, il est tellement vrai que le serment politique est devenu, depuis 1789, un simple contrat synallagmatique entre le Prince et ceux qu’auparavant il nommait ses sujets, que les Constitutions de 91, 1804 et 1814, les plus monarchiques de nos Constitutions, imposent au Roi ou à l’Empereur un serment équivalent à celui qu’on leur prête à eux-mêmes, serment qui rappelle et implique les principes de 89, l’esprit de la Révolution et l’obligation pour le chef de l’État de les défendre. La Constitution de 1852 est la seule qui fasse exception à cette règle. Pure omission, dont j’ose dire que Napoléon III n’oserait se prévaloir.

Maintenant voici le pis. Il peut arriver que les Trois à qui le serment est prêté et qui sont censés inséparables, la Nation, la Loi, le Roi, se mettent en contradiction et se divisent. Les Nations, comme les individus, sont sujettes à des écarts ; leur caractère, leurs sentiments, leurs opinions varient. La Loi aussi peut varier, ne fût-ce que dans la pensée de ceux qui, par raison d’intérêt ou par la na-