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le monarque n’est plus seul ; que dis-je ? il n’est pas même le premier. Il y a quelqu’un au-dessus du prince, quelque chose au-dessus du trône ; ce quelqu’un est la Nation, ce quelque chose est la Loi. Impossible de purger le serment de ces deux images ; impossible de rétablir dans les cœurs, dans sa vérité, la religion monarchique.

Ces observations faites, examinons quelle peut être la puissance de ce nouveau serment.

D’abord, quant à l’intention, il appert de sa teneur qu’on a voulu, par cette formule explicite, satisfaire aux nouvelles idées, consacrer le nouveau droit, rendre le serment lui-même moins mystique, moins idolâtrique, plus digne de l’homme et du citoyen. En groupant ces trois grands noms, la Nation, la Loi, le Roi, on a cru donner au serment, avec plus de rationalité, plus de majesté. En rendant les trois termes, pour ainsi dire, solidaires ; en rappelant les constitutions, expression la plus haute de la Loi, on a cru consolider l’édifice social, communiquer à la Couronne l’inviolabilité de la Loi et l’indestructibilité de la Nation. Ces pensées ont été certainement présentes à l’esprit des fondateurs ; eh bien, c’est justement ce qui prouve que lesdits fondateurs ont agi plutôt en poëtes qu’en hommes d’État. Leur rhétorique tombe devant le sens commun.

Il est évident, en effet, qu’un serment collectivement prêté à trois personnes, ou si vous aimez mieux à trois principes, ne saurait avoir la même certitude qu’un serment prêté à un seul ; de même qu’une obligation de faire ou de ne pas faire pourra donner lieu à beaucoup plus d’interprétations, de difficultés, de chicanes, selon qu’elle aura