Page:Proudhon - De la Capacité politique des classes ouvrières.djvu/253

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

personnage parfaitement déterminé, sur l’identité duquel il n’y avait pas à disputer et à se tromper ; puis c’était la nation incarnée, la loi vivante, l’État. Le roi, c’était tout. Avec lui, pas de distinction à faire, pas de réserves à établir, pas de conditions à poser. Le droit était fixé ; la morale politique avait son critère. Le serment, formel ou tacite, vous enchaînait à la personne royale, symbole, expression et organe de la nation, de ses droits, de sa constitution, de ses franchises, ou, comme nous disons plus ambitieusement, de ses libertés. Cette conception de la royauté et du serment, empreinte de religion, avait donc son avantage : jamais dynastie ne se montra pire que cette abominable famille des Valois, qui commence à François Ier et finit à Henri III ; ce fut pourtant la notion de royauté qui, en leurs personnes, à travers d’épouvantables guerres civiles, sauva la nationalité française.

Depuis 89 de nouvelles idées, que je suis assurément loin de réprouver, ont régi la nation. Avec le droit divin le serment féodal fut aboli, remplacé par le serment civique. Qu’est-ce que le serment civique ?

D’après la Constitution de 1791, titre II, art. 5, le serment civique est ainsi conçu :


« Je jure d’être fidèle à la Nation, à la Loi et au Roi, et de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution du Royaume, décrétée par l’Assemblée nationale constituante aux années 1789, 1790 et 1791. »


Notons la différence. On ne prête plus serment de fidélité à une personne, le Roi ; mais à une triade, la Nation, la Loi, le Roi. La Nation est nommée la première, afin d’inculquer sa souveraineté éminente ; la Loi vient en-