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que raisonnent les théoriciens de l’inégalité. À leurs yeux, il y aurait plus loin entre tel homme et tel homme, qu’entre tel homme et tel cheval. Ils en concluent que ce ne sont pas seulement les produits du travail humain qui sont des quantités incommensurables ; les hommes eux-mêmes seraient, quoi qu’on ait écrit, inégaux en dignité, partant en droits, et tout ce qu’on fait pour les établir de niveau est renversé par la nature des choses. Là, disent-ils, dans cette inégalité des personnes, est le principe de l’inégalité des rangs, conditions et fortunes.

À qui, par intérêt de classe et vanité de système, hait la vérité, il est toujours facile de se payer de phrases. Pascal, cherchant la philosophie de l’histoire, concevait l’humanité comme un seul individu qui ne mourait pas, accumulait en lui toutes les connaissances et réalisait successivement toutes les idées et tous les progrès. C’est ainsi que Pascal se représentait l’unité et l’identité de notre espèce, et de cette identité il s’élevait aux plus hautes pensées sur le développement de la civilisation, le gouvernement de la Providence, la solidarité des États et des races. La même conception s’applique à l’économie politique. La société doit être considérée comme un géant aux mille bras, qui exerce toutes les industries, produit simultanément toute richesse. Une seule conscience, une seule pensée, une seule volonté l’animent ; et dans l’engrenage de ses travaux se révèle l’unité et l’identité de sa personne. Quoi qu’il entreprenne, il reste toujours lui-même, aussi admirable, aussi digne dans l’exécution des moindres détails que dans les combinaisons les plus merveilleuses. Dans toutes les circonstances de sa vie, cet être prodigieux est égal à lui-même, et l’on peut dire que