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ristocratie suppose la servitude : à celle-là l’opulence, à celle-ci par conséquent les privations. De tout temps le droit à son propre produit a été dénié à l’esclave : même pratique à l’égard du serf féodal, à qui le seigneur prenait jusqu’à cinq jours de travail par semaine, ne lui en laissant qu’un, car le dimanche était sacré, pour pourvoir à sa nourriture hebdomadaire. La concession faite à tout travailleur du droit de disposer de son travail et des produits de son travail date de 89. Et s’imagine-t-on qu’il n’y a plus aujourd’hui de travail servile ? Je ne veux pas dire par là de travail absolument gratuit : on ne l’oserait plus ; mais de travail payé au-dessous de ce qu’exigent l’absolu nécessaire, le simple respect de l’humanité ? Ceux qui conserveraient quelque doute à cet égard n’ont qu’à ouvrir le livre de Pierre Vinçard. Nos fabriques, nos ateliers, nos manufactures, nos villes et nos campagnes regorgent de gens qui vivent avec moins de 60 centimes par jour ; quelques-uns, dit-on, n’en ont pas vingt-cinq. La description de ces misères fait honte à l’humanité : elle révèle la profonde mauvaise foi de notre époque.

Vous allez me dire qu’en tout ceci il ne s’agit que d’exceptions heureuses ou malheureuses ; que les nations aiment à s’honorer elles-mêmes en portant haut la liste civile et les émoluments de leurs princes, magistrats, grands fonctionnaires et talents illustres, qu’il est peu raisonnable d’assimiler à la vulgarité des industriels et manouvriers.

Mais descendez l’échelle sociale, au sommet de laquelle je vous ai transporté, et vous vous apercevrez à votre surprise, qu’en toute profession les hommes se jugent de même. Le médecin et l’avocat, le cordonnier et la modiste, font payer la vogue dont ils jouissent ; il y a même des gens qui