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reront sans rien conclure, à moins que, par des considérations particulières, ils n’en viennent à partager, comme on dit vulgairement, la différence, et à fixer d’un commun accord le prix de la chose à 5 fr.

Mais le plus souvent ce sont deux fripons, qui cherchent à se tromper réciproquement. Le vendeur, qui sait ce que coûte de fabrication sa marchandise et quel peut en être l’usage, se dit qu’elle vaut, par exemple, 5 fr. 50. Mais il n’a garde d’avouer la vérité. Pour peu que l’état du marché, ou la simplicité du chaland l’y encourage, il en demande 6 fr. et même plus : c’est ce qu’on appelle surfaire. Pareillement l’acheteur, qui connaît son propre besoin, et qui décompose à part soi le prix de revient de l’objet, se dit : Cela peut valoir 5 fr. ; mais il dissimule et feint de ne vouloir donner que 4. fr., ce qui s’appelle rabattre.

Si tous deux étaient sincères, ils s’accorderaient vite, l’un dirait à l’autre : Dites-moi ce que vous regardez comme le juste prix, et à mon tour j’en userai de même. Cela fait, ils se sépareraient sans rien faire, à moins que l’un ne parvînt à convaincre l’autre d’erreur dans son appréciation. Dans aucun cas, ils n’essaieraient de se supplanter, le vendeur, en comptant sur le besoin qu’a le demandeur de la marchandise ; l’acheteur, en spéculant sur la nécessité qu’éprouve le vendeur de rentrer dans ses capitaux. Un pareil calcul, formulé par la parole avec l’accent de la bonne foi, est, d’une part comme de l’autre, déloyal, et aussi déshonorant que le mensonge. Il n’est donc pas vrai que la loi de l’offre et de la demande soit absolument irréfragable, entachée qu’elle est presque toujours d’une double fourberie.

C’est pour échapper à cette ignominie, insupportable à