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est la formule même de la société, elle est le plus grand des dieux, son culte est la plus haute des religions, son étude la théologie par excellence. Elle donne le sceau à la science et à l’art : et toute vérité, toute beauté qui se proposerait contre ou hors la Justice, deviendrait par là même mensonge et illusion.

Une religion conçue, par hypothèse, sans justice, serait une monstruosité ; un Dieu injuste est le synonyme de Satan, Ahrimane, le génie du mal ; une révélation, même accompagnée de miracles, qui n’aurait pas pour but le perfectionnement de l’homme par la Justice, devrait être attribuée, c’est l’Église elle-même qui nous l’enseigne, à l’Esprit de ténébres ; un Amour sans respect est de l’impudicité ; et tout art, tout idéal, qui se prétendrait affranchi de la justice et de la morale, devrait être déclaré un art de corruption, un idéal de honte.

Cherchez maintenant dans la multitude des idées humaines, parcourez le domaine de la science sacrée et profane, vous ne trouverez pas une seconde idée comme la Justice. Eh bien, c’est cette Justice que la Démocratie ouvrière, dans son intuition toute spontanée, mais encore obscure, atteste, invoque aujourd’hui sous le nom de mutualité. Cet ordre nouveau, que la Révolution française, d’après la tradition populaire, est appelée à fonder, en réunissant tous les peuples dans une confédération de confédérations, le voilà ; cette religion de l’avenir, qui doit compléter l’Évangile, c’est la religion de la Justice.

Jésus, à l’exemple de Moïse, a parlé une fois du principe de mutualité, et spécialement du mutuum ; puis il n’y est plus revenu. Ils n’eussent ni l’un ni l’autre pu faire davantage.