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LE COUPLE AU JARDIN

qu’elle peut ; elle veut lui faire perdre la tête. Ce sont des jeux bien déshonnêtes quand ils s’adressent à un père de famille. Madame, permettez-moi de vous le dire : Mme Horsel est une personne dangereuse, une de ces femmes qui endorment les hommes debout rien qu’en clignant les yeux. Si elle s’en prend à cette pauvre bête de Carini, c’est faute de pouvoir réussir en visant trop haut… Madame a été trop bien élevée pour comprendre de pareils manèges ; quant à moussu Nérée, il est tellement bon qu’il ne croit pas au mal. Je me suis demandé si je devais tout dire à madamo.

— Non, Fine, répondit tranquillement Blanche, je vous prie de ne pas ennuyer Mme Galliane de ces enfantillages. Mme Horsel a l’habitude de Paris et des grandes villes ; ses façons diffèrent un peu des nôtres ; mais croyez bien qu’elle est sans mauvaises intentions à l’égard de Carini ; et si Rita se plaint à vous, rassurez-la sagement, au lieu de l’entretenir dans ses chimères.

Fine se mordit la lèvre et se retira, vexée : « Ces jeunes femmes élevées dans les pensions, ruminait-elle, ça n’a aucune idée des vilains côtés de la vie. Elle ne voit même pas de quel œil l’autre guigne moussu Nérée ! »

Blanche réfléchit une minute : parlerait-elle de ces choses à son mari ? Non ; ne pas se donner l’attitude déplaisante d’une épouse ombrageuse à l’affût des rivales possibles. S’ils avaient eu une vie moins retirée, le charmant Nérée aurait été en butte, tous les jours, à bien d’autres coquetteries. Il fallait affronter en souriant ce danger et garder une foi absolue en l’homme aimé. Quant à Carini, on pouvait espérer que la dame ne l’enlèverait pas !