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YVETTE PROST

satz » Carini. Ce taciturne Carini incapable de s’arracher quatre mots de suite, était tout de même très beau. Et peut-être pensait-il ! La coquette se dirigeait de son pas nonchalant vers la maisonnette de l’Italien, se laissait tomber sur le banc du seuil et demandait de sa voix câline :

— Monsieur Carini, chantez un peu pour moi.

L’homme hésitait un instant, puis, sans mot dire, allait chercher sa mandoline et chantait quelque rengaine de son pays. La musique était fade et vulgaire ; mais la voix du chanteur avait de bien jolies notes.

La dame écoutait, en une pose gracieusement abandonnée ; les paupières mi-closes, elle observait entre ses cils la face maugrabine où les superbes yeux noirs flamboyaient. Ces yeux se posaient à la dérobée sur les fines mains aux ongles vernis, sur le visage éclatant comme une aquarelle toute fraîche… et l’imprudente aurait dû se méfier de leur éclair farouche.

Pendant ce temps, Rita, l’épouse mélancolique, lavait la vaisselle sur l’évier en bougonnant en italien et s’abstenait de venir sur son seuil saluer l’élégante visiteuse.

Un soir que Fine montait dans la chambre de Blanche le linge qu’elle venait de repasser, elle se hasarda à dire à la jeune femme :

— Je voudrais bien confier quelque chose à Madame.

— De quoi s’agit-il ?

— Il s’agit de Rita, qui a des ennuis du fait de Mme Horsel.

— Que me racontez-vous là ?

— La pure vérité, Madame. Cette personne se fait un amusement du pauvre Carini ; elle l’aguiche tant