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YVETTE PROST

était de taille à empaumer le directeur du Courrier, sans qu’il soit nécessaire de te mobiliser !

— Peut-être ; mais je suis à peu près sûr que mon intervention sera utile. Et quand une femme seule a son pain à gagner, mon petit, j’estime que tout homme de cœur doit se mettre en quatre pour lui venir en aide.

Blanche vérifia en silence le nœud de cravate de son mari, brossa son chapeau, passa le peigne dans la vigoureuse chevelure ; puis, pressant sous ses lèvres la figure chérie :

— Va, preux chevalier ! Va « te mettre en quatre » ! Moi, je t’adore…

Lorsque Galliane quitta les bureaux du journal, un peu d’inquiétude se mêlait à sa satisfaction : « Si elle trouve à gagner un peu d’argent ici, songeait-il, jusqu’à quand s’y attardera-t-elle ? »

Or, il souhaitait le départ de sa belle locataire.

Diane Horsel fit merveille au Courrier du Var. Non seulement elle signa, une fois la semaine, d’excellentes critiques littéraires, mais elle donna aussi, le dimanche, une chronique pleine d’esprit et de fantaisie. Jamais elle n’avait apporté plus de soin et d’amour à ses écrits. C’est que, à chaque page, elle se demandait : « Nérée Galliane aimera-t-il cela ? En le lisant, aura-t-il dans les yeux ce vif éclair qui m’est plus précieux que tous les éloges des pontifes ? »

Nérée, en effet, goûtait fort le tour d’esprit et le style de Mme Horsel. Maintenant, lorsqu’il ouvrait le journal local, il y cherchait d’abord la signature de Diane. Et Blanche, qui ne quittait pas des yeux son mari, éprouvait une pinçure au cœur.