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YVETTE PROST

— Ah ! oui… — et, après une imperceptible hésitation : Il faut le faire entrer.

Lorsqu’il parut au seuil de la chambre, Nérée était ému à l’extrême ; mais il eut un geste spontané de gentillesse qui dissipa le pénible embarras : tout naturellement, il vint se pencher sur le lit et embrassa son beau-père. Celui-ci, surpris sans doute, avait fermé les yeux, tandis qu’une onde rose colorait faiblement sa face si pâle. Pendant quelques secondes, il demeura ainsi, puis, relevant les paupières, il parla avec une douceur courtoise :

— Je ne vous dirai jamais assez combien je déplore l’ennui que je vous ai causé.

— Aucun ennui, monsieur ; mais de l’inquiétude, certainement.

— Je vous ai trop longtemps privé de votre femme.

— Blanche n’aurait pu vivre loin de vous pendant ces mauvais jours ; et moi, j’étais plus tranquille de la savoir ici.

En échangeant ces politesses, les deux hommes se regardaient avidement ; ils se voyaient pour la première fois.

Nérée, le cœur battant, considérait le père de Blanche, l’homme inflexible qui avait refusé de l’admettre dans sa famille.

« Il doit être construit d’un riche et dur métal, songeait-il ; près de la soixantaine, il ne porte aucun stigmate de l’âge. »

En effet, le visage énergique, même après ces semaines de mortel danger, gardait une surprenante jeunesse et le regard avait une intensité presque insoutenable.

Le mari de Blanche, pénétré de respect, pensait :