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LE COUPLE AU JARDIN

Sur le golfe bleu qui berça les galères de Marc-Aurèle s’étendait l’ineffable paix nocturne. Au flanc des Maurettes, quelques lampes isolées étoilaient les villas et les sanatoriums, là où veillait l’amour ou la souffrance ; les grands hôtels d’Hyères trouaient la nuit de la vive clarté de leurs salons où l’on devait danser ; à l’ouest, près de Toulon, brillait un phare lointain ; au sud, c’étaient les feux de Giens et le grand éclair vigilant de Porquerolles.

Les deux noctambules, en silence, laissaient s’imprimer en leur cerveau ce cercle enchanté. En silence, un subtil échange de mélancolie s’opérait entre ces deux êtres un instant rapprochés : la femme déçue, inquiète et un peu trouble, qu’un grand bonheur eût sans doute ennoblie, et l’homme fraternel et pensif — qui ne pouvait rien pour elle.

Diane sentit que le plus pur souvenir qu’elle emporterait de l’heureuse Pomponiana serait cette minute d’humaine tristesse.

Le vingt et unième jour de sa maladie, le docteur Ellinor sortit de sa torpeur et sourit à sa fille. Blanche comprit qu’il était sauvé. Alors, elle appuya son front au chevet du lit et pleura.

Dans l’après-midi, après un long examen, le médecin se montra très satisfait et annonça que la convalescence commençait.

Vers le soir, lorsqu’une infirmière vint dire à Blanche qu’ « on » venait prendre des nouvelles, le malade demanda :

— Qui est-ce ?

— Papa, c’est mon mari.