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LE COUPLE AU JARDIN

che allégeait ineffablement l’air. Il semblait à Diane que toutes les libres routes s’ouvraient devant elle ; mille espoirs confus — qu’elle ne voulait pas approfondir — la galvanisaient, lui rendaient la foi en sa jeunesse. Elle avait maintenant un prétexte pour accourir deux fois par jour à la grande villa lorsque Nérée revenait de Sylvabelle. Le soir, elle s’attardait, se répandait en paroles réconfortantes. Un homme triste et déprimé devient plus accessible et vulnérable, un homme est faible en face du chagrin et de la solitude ; il est avide de consolations comme un enfant. Diane le savait et s’efforçait, avec une habileté consommée, d’attirer à elle cette sensibilité blessée.

La parfaite courtoisie de Nérée faisait parfois illusion à la jeune femme. Elle ne soupçonnait pas l’espace sidéral qui séparait d’elle cet homme inquiet.

Le plus souvent, si Nérée voyait de loin s’avancer Diane, il disait à sa mère :

Mme Horsel vient prendre des nouvelles ; veux-tu la recevoir, maman ?

Et il allait s’enfermer dans son bureau en emmenant Pomme avec lui.

Un soir qu’elle était allée, assez tard, acheter des oranges dans une des cabanes de l’Almanarre, Diane vit, au clair de lune, Nérée Galliane traverser la route et s’en aller vers la mer. Elle rentra chez elle précipitamment, puis, pendant quelques secondes, le front à la vitre, elle hésita, tentée, tentée !

Il était bien rare qu’elle résistât à ses impulsions les plus folles. Rapidement, elle endossa un vêtement de laine et sortit.

Un limpide clair de lune assurait une visibilité parfaite. Sur l’étendue déserte, Diane distinguait sans