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LE COUPLE AU JARDIN

était, par excellence, la femme imprudente. Elle n’aimait qu’à jouer avec le feu et ne désirait rien tant que s’y brûler un peu et y brûler les autres. Perverse ? Non. Elle était simplement dépourvue de toute armature morale. Il lui manquait la solide tradition de discipline et d’honneur qui fait la force et la noblesse de familles comme les Galliane ou les Ellinor. Elle le sentait confusément, sans le regretter : le cheval qui tourne la roue de la noria s’inquiète-t-il de l’allure des pur sang ?

Le besoin de conquête était chez elle si impérieux que, privée de la présence de Nérée, elle déployait son art de séduction pour l’ouvrier Carini. L’Italien était beaucoup plus beau que son patron. Quel dommage que la seule beauté physique soit dépourvue de mystère, alors que le mystère seul exerce sur l’âme sa magie !

En se moquant d’elle-même, Diane appelait Carini un ersatz, ce qui ne l’empêchait pas d’aller s’asseoir en robe élégante sur le seuil des Italiens, d’y secouer ses parfums et de prier l’homme intimidé de lui chanter quelque romance langoureuse… Si bien que le rude et taciturne Carini commençait à ressentir un trouble obscur.

Blanche, avec sa clairvoyance féminine, observait ces manèges — et peut-être quelques autres. Elle demanda à son mari :

— As-tu remarqué que Mme Horsel fait des frais de coquetterie pour Carini ?

— Je m’en suis aperçu, répondit Nérée. Puis, d’un ton apitoyé : Pauvre femme inquiète et désaxée !…

Blanche n’insista point. Elle connaissait bien son mari : incapable d’effleurer une femme, même avec un