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YVETTE PROST

piocher des programmes d’examens et traîne des robes reprisées ; puis la jeune fille anxieuse de gagner sa vie et qui, malgré sa beauté, ne trouva jamais un mari acceptable, tandis que les oies bien dotées n’ont qu’à choisir dans le tas un homme de valeur ; plus tard, enfin… mais il faut avoir la pudeur de se taire. Toutefois, monsieur, laissez-moi vous dire que votre noble mépris de l’argent est une vertu un peu facile !

Elle parlait d’une voix oppressée et sifflante ; sa nervosité proche des larmes trahissait un long refoulement de désirs insatisfaits et d’âcres jalousies.

Nérée dit avec douceur :

— Je n’ai point le ridicule de me glorifier de mon indifférence à l’égard des richesses. Mais ce que vous dites de votre propre cas n’est pas de nature à modifier mes idées : d’un destin qui semblait sans horizon, voyez ce qu’ont su faire votre intelligence et votre volonté. Combien votre existence aurait moins de prix et de saveur si vous n’aviez eu que la peine de vous laisser vivre !

Diane eut un sourire crispé, mais ne répondit pas. Mme Galliane détourna gentiment le cours de l’entretien. Mais, au fond, elle était choquée de l’attitude de la visiteuse et, après le départ de celle-ci, elle remarqua :

Mme Horsel est peut-être une personne de grand mérite, mais elle manque de pondération.

— Ne la jugeons pas, maman, dit Nérée. Trop de choses semblent lui avoir été refusées. Et puis elle a raison quand elle m’appelle un anachronisme ; c’est elle qui est bien de cette époque-ci, cette époque dure et courageuse.

Blanche vint en souriant offrir le bras à son mari :