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LE COUPLE AU JARDIN

Entrée dans la dure carrière du journalisme grâce à quelques aides généreuses — qu’elle oubliait — et à des efforts acharnés, jamais elle n’avait obtenu le succès mérité. Pour arriver à se faire un nom dans la presse, elle avait délibérément exposé sa santé et sa vie en Espagne ; et la notoriété allait à d’autres, à qui elle n’accordait aucune sorte de talent. Jeune fille et jeune femme, belle, spirituelle, séduisante, elle n’avait jamais inspiré un véritable amour. — Noir mystère qui dépassait son entendement ! Et son médiocre mariage éphémère était un souvenir dont elle écartait la cuisante humiliation.

Lorsqu’elle incriminait l’injustice du sort, il ne lui venait pas à l’esprit qu’elle eût sa part de responsabilité dans ses déceptions. Ce qui lui avait fait une jeunesse amère, c’était sa vanité souffrante, son horreur de la pauvreté, où d’autres savent trouver la joie. Si son mariage avait été une faillite, elle oubliait qu’elle n’avait choisi son mari ni par tendresse ni même par estime, mais parce qu’elle lui supposait argent et influence ; et ces biens s’étaient trouvés illusoires. Enfin, si elle se voyait aujourd’hui dans la plus glaciale solitude, c’est qu’elle avait toujours considéré l’enfant comme une charge et une entrave, alors que l’amour d’un enfant l’eût guérie et sauvée.

Diane Horsel était une créature d’orgueil, incapable de se résigner. Elle n’accepterait jamais la banqueroute de sa vie ; elle avait à prendre une ardente revanche. Tous ses projets d’avenir, tous ses rêves, elle les envisageait comme des batailles et des vengeances.

Le soleil montait, éclaboussant d’or la mer joyeuse.

« Il va falloir rentrer, pensa Diane, et tâcher de noircir quelques pages. »