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YVETTE PROST

Mme Galliane hochait la tête d’un air entendu :

— Oui, mes chers petits, patientez. Cette triste situation finira. Lorsque naîtra votre premier enfant, vous irez le porter à son grand-père, et je vous promets que la porte du docteur Ellinor ne restera pas fermée.

Blanche partageait cet espoir ; et c’était une raison de plus de désirer avec ferveur l’arrivée du petit-Nous-Deux, dont ils parlaient si souvent. Hélas ! la déception avait été cruelle : petit Paul était venu au monde, mais son aïeul avait refusé de le connaître.

Et Blanche, dominant son chagrin, avait dit avec douceur à son mari :

— Ne t’attriste pas : mon père nous rappellera un jour. Je n’en doute pas un instant.

En attendant, le grand amour du jeune couple rayonnait autour d’eux. Mme Galliane, sous ses voiles de veuve, s’était reprise à sourire à l’avenir qu’incarnait son petit-enfant. Ses croyances religieuses lui commandaient le pardon et lui promettaient les joies éternelles auprès du mari qu’elle rejoindrait un jour. Tant qu’elle appartenait à la terre, elle continuerait de l’aimer, cette terre ruisselante de fruits et de fleurs, qui lui donnait un avant-goût du Paradis.

Quant à Nérée, au milieu de son bonheur ineffable — de même qu’une guêpe nous pique parmi les fleurs — la pensée de son père le traversait parfois comme un coup de lance. Il disait à sa femme :

— J’ai la certitude qu’un jour la vie me mettra en présence de ce Pierre Vincent. Alors, je l’abattrai comme un chien enragé.

Blanche, frissonnante, lui fermait les lèvres d’une caresse.