Page:Prost - Le couple au jardin, 1947.pdf/27

Cette page a été validée par deux contributeurs.
30
YVETTE PROST

attitude souverainement tranquille. Elle le regarda gravement puis lui sourit en lui tendant la main.

— Voilà quelques mauvais jours pour nous, dit-elle.

— Ma pauvre enfant, soupira Mme Vallerix, avez-vous tout essayé pour convaincre le docteur ?

— Non, madame, c’eût été inutile. Je connais papa : il ne revient jamais sur une décision. Moi non plus… Donc, si M. Galliane n’éprouve pas de répugnance à m’épouser dans ces conditions, je passerai outre à l’opposition de mon père.

Le ménage Vallerix demeura quelques secondes frappé de stupeur. Enfin, la vieille dame crut devoir faire entendre la voix de la raison :

— Ma chère petite, c’est une chose grave. Y avez-vous bien réfléchi ? Vous séparer moralement de votre père !…

Blanche était pâle à faire pitié, mais gardait son attitude de tranquille assurance.

— Vous pouvez croire, dit-elle, que je ne prends pas à la légère un tel parti. Mais rien ne peut me séparer moralement de mon père : ni l’absence ni le silence. Mon père me désapprouve, mais sans me retirer sa tendresse — il en serait bien incapable. Nous aurons à supporter un temps d’épreuve et puis nous nous retrouverons. J’en ai la certitude.

Et c’est ainsi qu’ils s’étaient mariés, un soir, à Toulon, assistés de leurs seuls témoins. Et la mélancolie de ce mariage avait été effacée aussitôt par un bonheur si grand, si complet, si radieux, qu’il dissipait toutes les ombres.

Depuis près de trois ans, Blanche n’avait pas revu son père. Qu’elle en souffrît secrètement, nul n’en pouvait douter ; mais elle n’eut jamais un mot de re-