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YVETTE PROST

fouillis de bourrache bleue et la chatte, Mélusine, voluptueusement étendue sur la dalle tiède… non loin, la marmaille Labarre s’ébattait joyeusement dans le sable ; Carini passait, une ritournelle aux lèvres, menant par la bride Rouan, le cheval de labour, son compagnon de travail et son ami… Bêtes et gens semblaient s’épanouir en joie sur cette terre heureuse. Et la jeune femme songeait : « Ce n’est pas seulement parce que la lumière est belle et le terroir plantureux ; c’est qu’ici la vie bat au rythme de deux grands cœurs ».

C’est à son mari qu’elle pensait et à la vieille mère. Quant à elle-même, comment se serait-elle attribué le moindre mérite ? Chacune de ses heures était comblée de joie, et elle n’avait d’autre souci qu’aimer !

Elle se dirigea vers la véranda où elle savait trouver sa belle-mère. Cette vaste véranda, fermée par des glaces, était la pièce la plus vivante de la maison. C’est là qu’on se réunissait pour causer, lire, faire sa correspondance, écouter la T. S. F., se livrer à de reposantes parties de bridge et de ping-pong ; et c’est là qu’on recevait le plus souvent les visiteurs familiers. Chacun y avait son coin et son siège favori : maman Galliane, dans le voisinage du radiateur, en hiver, siégeait dans sa bergère à oreilles, près de la corbeille à ouvrage remplie de pelotes de laine et de tricots en chantier ; Blanche avait son petit bureau et son fauteuil du côté du midi, en face du grand poivrier ; à proximité d’une bibliothèque tournante, le rocking-chair attendait Nérée, dont les lectures ou les méditations s’accompagnaient d’un continuel balancement. On eût pu appeler cette véranda le living-room de la famille ;