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LE COUPLE AU JARDIN

Ce fils de Claude… le docteur Ellinor n’avait-il pas déclaré de son grand air inflexible : « Il ne m’est rien » ?

La première fois que le docteur accepta de venir déjeuner à Pomponiana, Nérée et Blanche furent en grande perplexité : quel parti prendre au sujet du petit Marc ? Si la présence du petit-fils allait éloigner le grand-père ? Si l’homme autoritaire allait croire qu’on veut forcer ses sentiments ?… Il fallait user des plus grandes précautions. On imagina une excursion et un déjeuner sur la plage d’Hyères, où la femme de Ramillien conduirait tous les enfants du domaine, sauf Pomme, encore trop petit. Et, deux ou trois fois, on recourut à des subterfuges de ce genre. Chacun se gardait de toute allusion à l’enfant. Pomme avait eu quelquefois la langue un peu trop longue ; mais le docteur n’avait pas paru y prendre garde.

Le hasard se chargea de ménager la rencontre entre le grand-père et le petit-fils. Un matin, le docteur Ellinor fut appelé au chevet d’un malade à la villa Olbia. Il laissa son automobile à l’entrée du domaine où il se proposait de faire une visite à ses enfants.

Comme il rejoignait sa voiture, son attention fut attirée par un groupe de marmots qui s’ébattaient sous les palmiers : c’étaient les héritiers de Labarre, Carini et Ramillien, embrigadés et subjugués par un autre petit homme dont le ton et l’allure décidée leur avait imposé dès le premier contact.

Avec curiosité, le docteur se dirigea vers le groupe, alla droit au personnage important qui menait le jeu et lui souleva le menton :

— Comment t’appelles-tu, mon petit ?

L’enfant le toisa d’un air méfiant et moqueur :