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YVETTE PROST

— Moi, pépé ? Je serais jaloux de cette mioche qui ne fait que dormir et piailler ? Et puis c’est une petite sale… Et puis, tu sais, elle est déjà chauve — à son âge ! Seulement, faut pas le faire remarquer à tantine, qui la croit jolie. Je ne le dis pas non plus au gros Pomme, qui n’y connaît rien et pense que sa petite sœur est une beauté !

Non, Marc n’est pas jaloux, mais un peu agacé tout de même de voir la Néréide passer de bras en bras, comme une petite idole, tandis que lui connaît déjà l’irréparable disgrâce d’être « trop grand ».

— Pépé, veux-tu me prendre un tout petit moment sur tes genoux ?… Je ne suis pas trop lourd ?… Si je te fatigue, tu le diras ?

— Sois tranquille. Tu n’es pas encore trop lourd pour mes forces.

Un bras tendre entoure le corps menu et, sous la belle main sensible, le cœur de l’enfant bat vite, vite, comme un cœur d’oiseau.

Le docteur a laissé s’éteindre sa pipe et rêve… Il songe au fils qui revient vers lui sur l’Océan — qui revient de si loin… Il songe à sa propre vie renouvelée, refleurie comme un arrière-été lumineux.

— C’est lui qui avait raison. Il a toujours raison.

Lui, c’est son gendre, ce Nérée à qui l’attachent de si puissants liens ; ce Nérée qu’il aime presque autant que Blanche…

Petit Marc sent que l’esprit de son grand-père s’est évadé ; pour le rappeler à lui, il se fait un peu plus lourd, appuie sa tête à cette poitrine qu’il considère comme sa propriété privée. Et le grand-père, qui a compris, sourit dans l’ombre et resserre doucement son étreinte.