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LE COUPLE AU JARDIN

— Ces deux folles oublient que vous êtes couchée. Je vais les faire taire.

— Non, ma fille, je vous en prie. Je n’aime pas le silence. Rien ne berce mieux mon repos que les voix joyeuses et les rires… — les bruits de la vie !

Au jardin, sous le grand poivrier, le docteur Ellinor fume une dernière pipe, son petit-fils appuyé à ses genoux, et suit des yeux le va-et-vient de son gendre le long des allées. Avec d’infinies précautions, Nérée promène une blancheur légère comme un flocon. Tous les dix pas, il s’arrête pour l’admirer, l’adorer, émerveillé comme si un astre du ciel lui était tombé dans les bras.

— Père, dit-il en passant, vous n’avez pas l’air de croire que ma fille me reconnaît ! Pourtant, voyez : dès qu’elle est sur mes bras, elle cesse de pleurer, s’épanouit et prend ses aises. Là, elle se sent en pays conquis !

— Mais j’en suis persuadé, mon ami. Si une fille de six semaines ne connaissait pas son père et ne le préférait pas à tout le reste de la création, il y aurait lieu de désespérer de la nature humaine !

Le petit Marc, un pli au front, considère le groupe qui s’éloigne :

— Dis, pépé, c’est-il vrai que la Néréide aura quarante-neuf petites sœurs ?

— Euh… ce n’est pas bien sûr. Il faudrait, tu comprends, agrandir beaucoup la maison ; pour cela, on devrait arracher les plus beaux arbres…

— Oh ! alors je suis tranquille ! L’oncle Nérée n’arrachera pas les arbres.

— Dis-moi, Marc, tu es un peu jaloux de ta petite cousine ?