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YVETTE PROST

Le docteur Ellinor était en consultation.

— Il y a encore une demi-douzaine de clients qui attendent, dit Victorine.

— Je suis pressé et je ne retiendrai pas longtemps le docteur. Voulez-vous lui faire passer ceci ?

Sur une carte, il avait rapidement écrit quelques mots. Au bout de cinq minutes, il fut introduit.

Marc Ellinor s’était levé et, d’un vif regard, scrutait la physionomie du jeune homme.

— Bonsoir… fit-il. Asseyez-vous là.

Il n’osait appeler son gendre « monsieur » et n’avait pu encore se résoudre à une appellation plus familière.

Installé d’un air calme derrière son bureau, il demanda :

— De quoi s’agit-il ?

— Monsieur, je voudrais vous parler de votre fils.

La physionomie du docteur demeura impassible ; mais le grand nez blanchit et la main se crispa sur le stéthoscope posé à sa portée. Cependant, la voix resta ferme et tranquille :

— Ah ?… Claude est ici ? Vous l’avez vu ?

— Oui. J’étais avec lui tout à l’heure.

— Blanche a eu le courage de vous mettre en présence de son frère ?

— Non, elle n’a pas eu ce courage, et elle a eu tort ; le hasard seul provoqua notre rencontre. Et Blanche n’a pas osé davantage vous amener votre fils.

— Elle a bien fait.

La réponse avait été d’une sécheresse coupante.

Nérée comprit qu’un autre moment difficile était venu pour lui. Il rassembla tout son sang-froid, toutes les ressources de sa claire intelligence, et se mit à plaider la cause du meurtrier de son père.