Page:Prost - Le couple au jardin, 1947.pdf/159

Cette page a été validée par deux contributeurs.
162
YVETTE PROST

« Or, elle n’a qu’un mot pour sa défense : « Je l’aimais trop ! » Je crains que, devant vous, elle ne sache pas se justifier avec cette passion qui m’arracha des larmes. En devenant votre femme, elle rêvait de compenser, par le dévouement et l’absolue tendresse de toute une vie, le mal que je vous avais fait ; de vous donner un bonheur si parfait qu’il pût vous faire tout oublier. C’est l’argument qu’elle opposa à toutes les objections de notre père. Et je vous assure que, pour que Blanche passât outre à la volonté paternelle, il fallait qu’elle vous aimât immensément. C’est pour elle que je vous supplie… »

D’un geste, Nérée l’interrompit :

— Inutile. Personne n’a besoin d’intervenir entre ma femme et moi. Pouvez-vous me dire quelles sont, à cette heure, vos intentions ?

— Partir cette nuit pour Anvers ; m’embarquer samedi sur l’Alaska en partance pour Valparaiso.

— Votre enfant ?

— Je vais le laisser à un ménage de maraîchers, au Mourillon. Ces gens semblent honnêtes… Blanche veillera de loin sur mon petit.

— Et… les cent cinquante dollars du voyage ?

— Ce fut la grosse difficulté…

— Je ne puis admettre que vous n’ayez pas tenté de voir votre père.

— Ma sœur s’y est opposée. Les médecins qui ont soigné mon père ont recommandé de lui épargner toute émotion sous peine de danger mortel… Il me faut repartir sans l’avoir même aperçu.

— Les craintes de Blanche sont probablement exagérées… Comment avez-vous résolu la question d’argent ?