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YVETTE PROST

Ces pensées s’enchaînaient dans l’esprit de Nérée avec une logique impitoyable.

La situation était donc celle-ci : Blanche avait aimé Nérée dès qu’elle l’avait connu ; elle l’avait aimé absolument, passionnément — trop pour oser lui dire qu’avant lui un autre lui avait donné l’illusion de l’amour, l’avait entraînée, sans doute, à des imprudences… graves. Assez graves pour motiver l’attitude du père.

Cet autre venait de reparaître et se livrait à quelque manœuvre ténébreuse. Blanche, terrorisée, ne pouvant supporter l’idée de déchoir aux yeux de son mari, endurait depuis quelques semaines on ne savait quel martyre…

Et plus Nérée tournait et retournait le problème, plus il groupait les indices, plus sûrement il se confirmait dans cette explication.

Que Blanche fût tendrement fidèle, qu’elle n’eût jamais cessé d’aimer son mari de toutes ses forces, cela n’inspirait aucun doute à Nérée. Pourquoi donc se sentait-il perdre pied en une telle détresse, comme si la vie, en une demi-heure, venait de se défleurir à jamais ?

Il songea au désenchantement mortel de son camarade Georges Bard, en découvrant dans la vie de sa jeune femme un fait passé sous silence. — Silence infiniment moins grave que celui qu’il aurait, lui, à pardonner. Et Bard divorçait !… Jamais une telle pensée ne pourrait effleurer Nérée. Son union avec Blanche était indissoluble, quoiqu’il arrivât. En présence des pires déceptions, il sentirait grandir ses devoirs.

— Mais s’il allait ne lui rester que des devoirs ?…