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LE COUPLE AU JARDIN

On pouvait donc croire que l’homme était un revenant qui surgissait du passé de la jeune femme.

Blanche aurait-elle eu un passé ?

« Lorsque le destin me la donna, songeait Nérée, elle était pure comme un lis… Alors ? Quelque passionnette de jeune fille, un amour de tête qu’elle n’aurait jamais osé m’avouer ? »

Mais Blanche était aujourd’hui une femme avertie et très intelligente. Comment serait-elle retombée sous l’influence d’un homme qui n’aurait jamais joué dans sa jeunesse que ce rôle négligeable ?…

Une jeune fille aimante et candide peut s’éprendre d’un être indigne… On voit ces choses tous les jours… Dans ce Toulon, une enfant sans mère, dont le père est absorbé par sa profession, peut faire d’étranges rencontres. Si Blanche avait eu un premier amour pour quelque aventurier qui, revenu inopinément, exercerait sur elle un odieux chantage ?

Cette hypothèse expliquerait l’angoisse que trahissait, par moments, la physionomie de la jeune femme.

Et voilà qu’une autre pensée s’insinua en Galliane comme une pointe de feu : pourquoi le docteur Ellinor avait-il refusé son consentement au mariage de sa fille ? Il avait écrit à Nérée : « Ne voyez dans ma décision aucune prévention contre votre personne. » Quel était donc le mobile de son attitude inflexible ? Marc Ellinor, réputé pour sa conception altière de l’honneur, voyait-il quelque chose de répréhensible dans le mariage de Blanche ? Avait-il quelque raison de le considérer comme une déloyauté ? Était-ce ce même scrupule qui le laissait visiblement gêné et contracté en face de son gendre, en dépit des efforts de rapprochement, et peut-être même d’une sympathie réelle ?…