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LE COUPLE AU JARDIN

plus haut, le vrombissement d’autres grands oiseaux de métal en route vers Toulon emplissait le ciel.

Nérée musa quelques minutes devant les évolutions des mouettes voraces. Il se rappelait que, dans son enfance, il ne pardonnait pas à ces oiseaux élégants de se détourner de la pureté bleue de la mer pour se complaire autour des eaux stagnantes et polluées. — Symbole !… La vie est rude et souvent laide. Il faut manger pour vivre ! Et peu d’êtres savent conquérir leur subsistance sans se salir le bout des ailes dans la fange…

Engagé sur ce thème, il oubliait d’ouvrir la dernière lettre de son courrier. Il s’en avisa, ralentit le pas et, de l’index, fendit l’enveloppe blanche.

Arrêté au bord de la route, il lut les quatre lignes dactylographiées et prononça :

— Dégoûtant !…

Il reprit sa marche, gardant au creux de sa main le papier pressé en boulette. Ce ne fut qu’après une cinquantaine de pas qu’il eut l’impression que quelque chose faiblissait dans sa poitrine et que ses jambes ne le soutenaient plus.

Comme il arrive toujours en pareille occurrence, il déplia soigneusement le papier chiffonné pour y relire les mots qui ne s’étaient que trop profondément imprimés dans son cerveau : « Monsieur Galliane est-il instruit des visites que fait sa femme à un jeune homme logé à l’hôtel de… » Suivaient le nom de l’hôtel et son adresse exacte.

Cette fois, Nérée enfonça dans sa poche le papier froissé, en murmurant :

— Ignoble !