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YVETTE PROST

d’éblouissantes et mobiles constellations. Dans les bosquets d’Olbia, un rossignol avait des accents de passion désespérée. Cette nuit de mai, lourde de vie murmurante, transperçait le cœur de la femme troublée.

Le temps passait. La lune rêveuse avait voyagé au-dessus des cyprès ; les hydravions avaient regagné leur gîte en promenant sur le domaine leurs pinceaux lumineux ; les derniers feux de la presqu’île de Giens s’étaient éteints ; seul, le grand phare de Porquerolles jetait toutes les douze secondes son vigilant éclair. Une indicible tristesse descendait sur la mer et les jardins.

Immobile et blanche, sur les marches de pierre inondées de lune, là où s’était dressé l’antique temple d’Astarté, Diane Horsel, victime plaintive, semblait demander grâce à la déesse inexorable.

Avait-elle fini par s’assoupir, le corps ployé en avant, la face dans ses mains ? La douleur de ses membres courbatus la rappela à la réalité. Elle se leva péniblement et rentra. Il était trois heures du matin. La jeune femme prit le buvard laissé près de la lampe, froissa la lettre indigne, frotta une allumette et enflamma le papier sur la pierre de l’âtre. Puis elle écrasa la mince pellicule noire pour la mêler aux cendres de la dernière souche d’olivier de l’hiver précédent.


Le lendemain soir, Blanche revint de Toulon plus tôt que d’habitude. Elle était d’une pâleur extrême avec de larges cernes sous les yeux ; mais, à la vue de son mari, elle sembla se ranimer ; elle se jeta dans les bras de Nérée et l’embrassa fougueusement.