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LE COUPLE AU JARDIN

— Il faut m’excuser : j’étais écrasée de fatigue.

— Je reprendrai mon récit un peu plus tard. Maintenant, j’ai hâte d’aller voir comment se comporte ma victime.

Lorsqu’il fut prêt à sortir, Blanche vint l’entourer de ses bras, le pressant contre elle de toutes ses forces, baisant avec une sorte d’emportement son front, ses paupières, ses cheveux.

Il dut se dégager doucement pour courir où il avait affaire. Sur la route, il songeait : « Elle a parfois des élans fébriles de tendresse qui me troublent et me font un peu peur ; on dirait qu’elle sent notre amour menacé… que l’un de nous deux, peut-être, doit trop tôt mourir. »

Avec un frisson, il secoua ces pensées, accéléra le pas. Parvenu en vue du champ bordé d’oliviers, il s’immobilisa, stupéfait : la tente blanche avait disparu comme un rêve ; aucune trace ne demeurait du passage de l’inconnu.

Galliane se sentit extraordinairement déçu, peiné, presque humilié. Revenu auprès de sa mère et de sa femme, il dit brièvement :

— L’oiseau s’est envolé. Il n’était donc pas trop endommagé. N’y pensons plus.

Et, avec un visage fermé, il s’en fut à grands pas du côté où travaillaient ses hommes.

Mme Galliane commentait cette disparition :

— Qu’en pensez-vous, Blanche ? Voilà un monsieur qui s’entend à abréger les politesses ! Cela ne me dit rien de bon… Et notre Nérée, si réservé, si peu enclin aux emballements, semblait déjà coiffé de ce jeune homme !

— Non, maman, il n’en était pas coiffé ; mais il