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YVETTE PROST

égoïste ni vaniteux. Mais ne lui avait-elle pas fait un cœur trop tendre ?

Le cher petit garçon était devenu un homme ; un homme, dans la plus haute et la plus noble acception du terme ; un être de force et de fierté… mais essentiellement vulnérable — la vieille maman le savait.

— Viens m’embrasser, mon grand, pria-t-elle.

Pour la seconde fois, il se pencha tendrement sur les cheveux de neige.

— Au revoir, maman ; repose-toi encore un peu.

— Tu t’en vas déjà ?

— Il faut bien. Le travail m’attend.

— Et ma petite Pomme ?

— Pomme n’a pas encore commencé sa journée ; il dort comme un bienheureux.

Lorsque cet enfant si désiré leur était né, Nérée avait dit à sa femme :

— Il faut lui donner le nom de ton père.

— Non, avait répondu Blanche, notre second fils portera le nom de mon père, mais l’ainé sera placé sous le patronage du tien.

Le bébé avait donc été baptisé Paul. Mais, dès qu’il avait commencé de parler, il s’était donné le nom plus sympathique de « Pomme ».

Depuis une heure, les ouvriers étaient à l’œuvre. Aux périodes de grands travaux, on faisait appel à des journaliers du pays ; mais, en tout temps, ils étaient trois logés sur le domaine avec leurs familles : un Italien, Carini et deux Français, Ramillien et Labarre. Carini, grand, sec et comme brûlé ; belle tête couleur de terre de Sienne, sous son grand feutre presque de même nuance. Ce paysan, beau comme un bronze anti-