Page:Prost - Le couple au jardin, 1947.pdf/105

Cette page a été validée par deux contributeurs.
108
YVETTE PROST

— Mais, chéri, il faut bien que cela se produise quelquefois ! Ainsi, tu exiges une gousse d’ail dans la salade, et moi, je ne la supporte pas.

— II n’était pas question d’ail dans la salade ; il était question de la confiance totale entre deux êtres qui s’aiment ; et tu as pensé autrement que moi !

D’une caresse elle lui ferma la bouche :

— Ne te fâche pas. Va vite à tes affaires : il ne faut pas que ta mère dîne trop tard.

Aussitôt en voiture, Nérée oublia son accès d’humeur. À peine eut-il dépassé la halte du chemin de fer, qu’il aperçut, à gauche de la route, sous un bouquet d’oliviers, la blancheur d’une tente, et, marchant à petits pas dans cette direction, Mme Horsel. Il sourit : « Hé ! hé ! Fine n’est pas la seule à éprouver de l’intérêt pour les hommes beaux ! »

Une demi-heure plus tard, Nérée Galliane rentrait, conduisant sa voiture à une allure modérée. La route était libre quand, tout à coup, un homme voulut la traverser en courant. Galliane freina aussitôt, mais trop tard : l’homme, accroché, avait roulé sur le sol. Des cris déchirants retentirent, des cris aigus d’enfant.

Epouvanté, Nérée se demandait qui il avait écrasé. Il se précipita vers le corps inerte, tenta de le soulever… Il y eut quelques secondes d’angoisse ; et les cris de l’enfant semblaient ceux d’une bête qu’on égorge. Enfin, l’homme fit un mouvement et parla :

— Ce n’est rien… J’ai été étourdi ; mais je crois que je n’ai pas de mal… Non, monsieur, n’essayez pas de me soulever, je suis trop lourd. Laissez-moi seulement m’appuyer sur vous pour que je tâche de me mettre debout.