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LE COUPLE AU JARDIN

Court silence absorbé, puis :

— Tu avais une maman, toi. À cause que j’en ai pas ?

— Tu n’en as pas besoin. Est-ce que je ne te suffis pas ?

— Oh si ! oh si ! Moi, je veux aimer rien que toi !

Et la petite bouche se mit à couvrir de baisers chauds la main paternelle.

Sous cette caresse, l’homme triste laissa échapper une sorte de plainte :

— Laisse, petit, laisse ! Je n’aime pas que tu m’embrasses les mains.

— Je te fais mal ?

— Oui… tu me fais un peu mal.

La voix trahissait une telle détresse que l’enfant en eut conscience.

— Papa… questionna-t-il, inquiet, t’es embêté ?

— Ne parle pas si mal, je t’en prie. Non, je ne suis pas ennuyé, je suis las… très las. Allons nous reposer.

Maintenant, le petit garçon poursuivait un soliloque ; le père ne l’entendait plus. Bourrelé de tristesse et d’inquiétude, il s’en revenait vers ce pré bordé d’oliviers où il avait dressé pour son fils et lui une tente de toile. Fragile abri, symbolique !

Tandis que l’étranger et son fils croisaient dans le chemin de Saint-Pierre-d’Almanarre, Blanche Galliane à l’ombre du grand poivrier, servait le thé à des visiteurs fortuits. C’était un ami d’enfance de Nérée, Paul Saby, avec sa jeune femme et la mère de celle-ci ; et il y avait aussi Mme Horsel, arrivée par hasard au moment où Fine apportait le plateau du goûter.