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la question wagner depuis la guerre

ment des circonstances intérieures ; je le donnerai donc, — en tout cas, — à Bayreuth, l’été de 1882 »[1].

Et voilà tout le « pangermanisme » de Wagner, de ce Wagner dont l’art était jadis représenté comme « une machine de guerre merveilleusement outillée pour ronger le patriotisme en France » [2].

Que reste-t-il des griefs si terribles articulés contre celui qui n’est plus que l’auteur de Une Capitulation ?

  1. Il tint parole et donna Parsifal à la date fixée ; puis fatigué par le formidable travail de mise au point de son ultime chef-d’œuvre, il reprit pour la dernière fois le chemin de Venise, où la mort allait le terrasser, le 13 février 1883, au palais Vendramin.
  2. Lettre de M. Saint-Saëns à Frédéric Hattat, 15 juillet 1896. Cette lettre serait intéressante à citer entièrement. En voici les principaux passages : « … Comment ne voit-on pas l’œuvre néfaste qui s’accomplit ? Ce n’est pas seulement l’annihilation, l’atrophie progressive de l’École française, c’est pis encore : le wagnérisnie, sous couleur d’art, est une machine merveilleusesement outillée pour ronger le patriotisme en France. C’est l’âme allemande qui s’infiltre peu à peu dans notre public. Si j’avais le temps d’écrire un mémoire et si je ne craignais de vous ennuyer, il ne me serait pas difficile de vous le prouver. Je ne parle pas de l’argent que la France fournit à Bayreuth, élevé, — l’auteur ne l’a pas caché, — non, comme on le dit ici, à la gloire de l’Art, mais à la gloire de l’Art allemand, du saint Art allemand, comme on chante à la fin des Maîtres-Chanteurs. C’est pourtant une question qui n’est pas tout à fait négligeable. » À Bruxelles, poursuit-il, « on joue Gounod beaucoup plus que Wagner… On s’est acharné à conquérir Paris à cause de son importance et on y est arrivé au delà de toute espérance ; car il n’y a pas à cette heure une autre ville, même en Allemagne, — Bayreuth excepté, — où l’on exécute autant de musique de l’auteur d’Une Capitulation ; nulle part, il ne tient une plus grande place. »