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la question wagner depuis la guerre

Dans le même article, comparant les trois grands peuples de l’Europe occidentale :

Alors que, par exemple, dit-il, le Français et l’Anglais savent d’instinct et avec certitude ce qu’ils veulent, l’Allemand ne le sait pas et laisse faire de lui ce qu’on veut[1].

Et dans Was ist deutsch ? (Qu’est-ce qui est allemand ? ) écrit en 1865 et complété en 1878 :

Il arrive de loin en loin, dans la vie publique anglaise et française, que l’on parle de « vertus anglaises » et « françaises » ; au contraire, les Allemands ont coutume de vanter à tout bout de champ la « profondeur allemande », « le sérieux allemand », la « fidélité allemande » et autres choses du même genre. Par malheur, il est patent qu’en la plupart des cas, cette évocation n’est pas absolument fondée…

L’Italien s’est approprié de l’antiquité ce qu’il en put imiter et copier ; le Français, à son tour s’est approprié d’après cette imitation, ce qui devait flatter son sens national de l’élégance de la forme : l’Allemand le premier la reconnut dans son originalité purement humaine et dans son importance totalement détournée de l’utilité, mais en revanche exclusivement utile à la renaissance du purement humain…

… L’Allemand est conservateur : sa richesse se forme de la prospérité de toutes les époques ; il épargne et sait utiliser tout ce qui est vieux. Il est plutôt pour la conservation que pour l’acquisition : la nouveauté qu’il acquiert n’a de valeur pour lui qu’autant qu’elle concourt à la parure de l’ancien. Il n’exige rien de l’extérieur ; mais il

veut être libre d’entraves en son for intérieur. Il ne conquiert pas, mais il ne se laisse pas non plus conquérir[2].

  1. X, p. 128.
  2. X, p. 37, 40, 41, 45.