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la question wagner depuis la guerre

Toute nation a quelque chose de foncièrement mauvais en soi : un coup d’œil jeté sur notre théâtre allemand actuel nous fait prendre tristement conscience de ce trait foncièrement mauvais de notre caractère national ; la découverte du même élément néfaste dans le caractère français a malheureusement encore un triste intérêt spécial pour nous : c’est de nous enseigner, à notre désespoir, que nous n’avons plus rien à attendre de ce pays d’où pourtant tout nous vient et qui nous influence toujours exclusivement[1].

Il faut donc combattre l’influence française. C’est toujours la même thèse qui est développée à différentes reprises, dans le Beethoven, et sous une forme toujours aussi modérée :

Tandis que les armées allemandes pénètrent victorieusement jusqu’au cœur de la civilisation française, soudain s’éveille chez nous un sentiment de honte parce que nous vivons dans la dépendance de cette civilisation, et ce sentiment se manifeste par l’invitation adressée au public à abandonner les modes parisiennes[2].

Invitation renouvelée dans l’Allemagne de 1914-1915, avec le succès que l’on sait. Wagner d’ailleurs, ne se faisait aucune illusion sur l’accueil réservé aux appels de ce genre :

Depuis deux cents ans, poursuit-il, le goût français, c’est-à-dire l’esprit de Paris et de Versailles, a été le seul ferment créateur de la culture européenne ; car, si le génie d’aucune nation n’a pu créer de nouveaux types d’art, l’esprit français, du moins, a produit encore la forme extérieure de la société, et, jusqu’à nos jours, le costume à la

  1. IX, p. 60.
  2. IX, p. 113.