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richard wagner et la france

moins spirituel que ceux dont on se délectait, même à Paris, aux environs de 1870.

Le passage le plus caractéristique, le plus cocasse, pourrait-on dire, — d’Art allemand et politique allemande, est celui où Wagner, rappelant un mot de Voltaire « qui désigne ses compatriotes comme un composé de singe et de tigre », s’applique à prendre au sérieux cette boutade[1], et cela, à propos de l’acteur, du « mime », qu’il considère comme le « singe » de l’auteur : l’artiste créateur, « l’homme », imitant la nature, l’autre la reproduisant.


C’est un fait évident, déclare-t-il, que ce peuple s’est distingué de bonne heure des autres peuples de l’Europe principalement par deux traits typiques : il est gracieux jusqu’à une souplesse niaise, en sautant et en bavardant ; d’autre part, il est cruel jusqu’à être altéré de sang, rageant et bondissant sous l’attaque.


Le Français est bon comédien… « Marat, — le tigre, Napoléon, — le dompteur de tigre ; voilà le symbole de la France nouvelle. »


Depuis la Révolution, l’armée française passe pour la meilleure de l’Europe… Le nouveau mirage qui a pris la place de l’ancienne auréole de la cour de Versailles est la gloire spécifiquement française et suffisamment connue… Le Français qui voit les choses très librement désespère singulièrement de la possibilité d’une renaissance totale du caractère de son peuple. Il doit convenir, quant à la situation actuelle, qu’il redoute la

  1. Déjà le grand-duc Léopold de Toscane, futur empereur, avait écrit à son frère Joseph II, le 28 juin 1789 : « Voltaire avait raison lorsqu’il disait que les Français étaient ou des singes ou des tigres. »