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richard wagner et la france

fièvre, les écrits théoriques où il fait à son point de vue très personnel, le procès de l’art des différents pays européens. Les critiques qu’il distribue avec une égale véhémence à ses compatriotes, dont il tâche de secouer la torpeur, et aux étrangers, que tantôt il leur propose en exemple, et dont tantôt il fustige l’imitation servile, s’attaquant aussi bien à l’art qu’à la société, qu’il ne sépare jamais ; partout où il trouve un accord, une harmonie entre eux, que ce soit chez les Grecs ou chez les Français, il loue, sans réserve, tandis que, par comparaison, il reproche aux Allemands de ne s’être pas encore créé un art en rapport avec leur génie national[1].


Chez le peuple français, de caractère vif et qui fut toujours, en somme, ennemi de l’abstraction, dit-il dans l’Œuvre d’art de l’avenir (1850), l’art dramatique, — tant qu’il ne fut pas dominé par l’influence de la cour, — vécut la plupart du temps pour soi-même. Ce qui, sous l’oppression accablante, hostile à l’art, de l’état social général, a pu sortir de l’art dramatique moderne, nous le devons, depuis la fin du drame shakespearien, exclusivement aux Français[2].


Dans Un Théâtre à Zurich, où il essaye, dès 1851, d’intéresser le public allemand à la création d’un théâtre modèle, Wagner, critiquant l’art dramatique de son temps, s’exprimera de même :


Définissons en deux mots le malaise dont souffrent resque jusqu’à la ruine tous les théâtres de l’Europe : il

  1. Bien qu’il s’intéresse à tous les arts en général, Wagner a surtout en vue l’œuvre d’art dramatico-musicale qu’il s’efforcera de créer : art à la fois poétique, musical et plastique.
  2. III, p. 165-166.