Page:Prod’homme - Richard Wagner et la France, 1921.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
la question wagner depuis la guerre

de longues années, puisque dans son article nécrologique sur Auber, en 1871, il qualifiera la Muette « d’œuvre spécifiquement française », de chef-d’œuvre « inimitable ».


Le point culminant du génie musical en France, écrit-il en 1840, est sans contredit l’incomparable[1] Muette de Portici, d’Auber, une de ces œuvres nationales dans toute l’étendue du mot, et dont chaque nation ne peut guère montrer qu’un seul exemple[2].


En somme, de son premier et malheureux séjour à Paris, Wagner n’emportait pas une impression très encourageante pour son art.


J’étais demeuré essentiellement Allemand, dira-t-il dans Une Communication à mes Amis (1852), et toute mon activité tendait vers l’Allemagne.

Un patriotisme sentimental et nostalgique, dont je n’avais aucune idée jusqu’alors, s’empara de tout mon être. Ce patriotisme était libre de toute couleur politique ; car, dès cette époque, j’étais assez avancé pour que la politique allemande me parût à peu près aussi indifférente que la politique française. Je me sentais exilé à Paris et c’est ce qui m’inspirait la nostalgie de la patrie allemande[3].


Après Paris où il avait, on quelque sorte, pris conscience de son génie en puissance — les voyages forment la jeunesse, — Wagner vécut six années à Dresde, jusqu’à la révolution de 1849, qui le fit se réfugier en Suisse. Alors il rédige, dans une sorte de

  1. Cet adjectif ne se lit pas dans le texte français de l’article de Wagner sur la Musique allemande, mois seulement dans le texte des Gesamm. Schriften.
  2. I, p. 178.
  3. VI, p. 61.