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la question wagner depuis la guerre

actuelle au wagnérisme qui, depuis plusieurs lustres, est entré dans le domaine de l’histoire. Oui, cette influence a existé, tout comme celle de Gluck, de Rossini ou de Meyerbeer, — de très grands Font subie, comme Verdi, — mais il faudrait démêler, entre 1870 et 1890, quelle fut la part respective de la sincérité et celle du savoir-faire, chez les soi-disant wagnériens français, dont les partitions n’ont pas même eu la fortune du meyerbeerien Rienzi.

Ces éphémères assemblages de leit-motive une fois oubliés, l’École française, — comme toutes les Écoles en général, — doit savoir gré, au contraire, à l’art wagnérien, d’avoir ramené le goût public à la grande et noble musique dramatique. Il est vrai que ce retour à la vraie et grande musique, qu’un Berlioz avait prêché en vain pendant quarante ans, ne faisait pas les « affaires », ne favorisait pas les « intérêts » du plus grand nombre…

Eh ! bien, s’il n’y a aucune raison artistique valable de frapper d’ostracisme Wagner musicien, y en a-t-il une d’ordre plus impondérable, d’ordre sentimental ou patriotique, qui dusse continuer à éloigner ce nom, jadis abhorré, de nos scènes nationales ? — La réponse, Wagner lui-même la donnera : il suffira de détacher quelques-unes des trois mille pages de ses œuvres théoriques ou polémiques, d’une lecture assez pénible, pour se convaincre que ses « injures » contre la France, sont, à peu d’exceptions près, des plus anodines, et doivent plutôt être considérées comme des éloges que l’artiste incompris mettait sous les yeux de ses compatriotes, pour les inciter à se créer, à leur tour, un art national, un art allemand, qui échappât à l’influence française. On verra que l’auteur