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la question wagner depuis la guerre

le public, souverain juge, hélas ! manifestait son abstention. S’ils ne réussissaient pas, ils n’avaient à s’en prendre qu’à eux-mêmes, — et à leurs librettistes.

Mais, d’autres intérêts, aussi légitimes sans doute, quoique moins respectables au point de vue de l’art, se manifestèrent à la faveur de la crise wagnérienne. « Le patriotisme a bon dos », écrivait M. Saint-Saëns, retour de Bayreuth, en 1876. Aussi, lorsque, en 1887, devant l’Eden, en 1891 et en 1893, devant l’Opéra, le populaire parisien, dûment excité par une presse chauvine à scandale, vint manifester contre Wagner, attribua-t-on à ses sentiments patriotiques une agitation factice. Or, tout le bruit fait autour de Lohengrin ou de la Walkyrie, on le sait aujourd’hui[1], était encouragé surtout par la presse de certains éditeurs de musique et par d’autres journaux qui, de bonne foi ou non, firent chorus contre l’auteur d’Une Capitulation.

Les inepties prodiguées vers 1860 contre Wagner (il en était de même en Allemagne, ne l’oublions pas), parurent revues et augmentées, au bénéfice éventuel des musiciens français, croyait-on, mais en réalité, au profit escompté de certains marchands de musique parisiens qui pensaient, en mettant Wagner en interdit pour cause de gallophobie, prolonger l’agonie de Meyerbeer et consorts.

  1. Voir ci-dessus p. 12. Plus récemment encore, dans un article du Correspondant intitulé Musique française et Musique allemande, notre confrère Michel Brenet, dont on connaît lu sûre érudition et la parfaite impartialité, a fort justement réduit le scandale de Lohengrin à une simple question d’intérêt. Le reste, en effet, n’est que littérature, et fort mauvaise, le plus souvent.