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les ouvrages joués pour la première fois à l’Opéra, « aucun, absolument aucun, n’a obtenu un franc et durable succès, de ces succès qui font date… Pour trouver de véritables succès, il faut les chercher dans les pièces déjà applaudies ailleurs », dans Aïda, Rigoletto, Sigurd, Roméo et Juliettee, « Lohengrin enfin qui, durant les trois derniers mois de l’année 1891, a obtenu plus de trente représentations ». Ajoutons-y Salammbô et Samson. « En définitive, concluait A. Soubies, si l’on retire de la liste des pièces anciennes, actuellement au répertoire de l’Opéra, celles que nous venons de citer, et qui en réalité n’y figurent que d’une façon très intermittente, il reste, comme œuvres jouées à l’Opéra avant 1874, neuf grands ouvrages : la Favorite, Faust, la Juive, les quatre pièces de Meyerbeer, Guillaume Tell, Hamlet et un ballet, Coppélia[1]. » Cette énumération, des plus brèves, montre à qui Wagner a pu « faire du tort » depuis son apparition il y a trente ans.

Certes, le succès allemand, prévu mais retardé par tous les moyens, pouvait excuser, dans une certaine mesure, la mauvaise humeur des compositeurs français, protégés d’ailleurs par le cahier des charges de notre Académie nationale de Musique. Ils ne furent donc jamais sacrifiés que dans la limite où

  1. A. Soubies, Almanach des Spectacles, t. XX : Le Théâtre en France de 1871 à 1892. Notons que ce même Almanach imprimait le nom de Wagner parmi les membres de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, en 1874. Wagner ne gênant commercialement personne, à cette époque, ce nom ne soulevait encore aucune émotion « patriotique » chez nos auteurs et compositeurs. Les révélations de V. Tissot elles-mêmes, ne trouvèrent pas la Société plus chatouilleuse à son endroit.