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la question wagner depuis la guerre

dait donc à un besoin intellectuel du public wagnérien ou non, tout comme les livres à succès de M. Frédéric Masson répondent à la curiosité historique du public, bonapartiste ou non.

Selon la loi de l’offre et de la demande, les conséquences des représentations wagnériennes ne se firent pas attendre : Wagner étant très demandé, Meyerbeer tomba, entraînant avec lui Rossini et leurs contemporains. Seul parmi les compositeurs français, Gounod, — dont on a trop médit aux temps du wagnérisme militant, — put lutter avec avantage contre la concurrence germanique : son Faust, qui soutenait jusqu’au bout et victorieusement l’honneur et les « intérêts » de l’École française, arrivait, à la guerre, à sa 1250e représentation à l’Opéra[1]. M. Camille Saint-Saëns (avec Samson et Dalila, joué 382 fois à la même date) ; Reyer ; de temps à autre Massenet (dont le seul ouvrage joué à l’Opéra avec succès, Thaïs, atteint un peu plus de 200 représentations, après vingt-cinq ans) ; Verdi, l’unique Italien moderne sauvé du naufrage du XIXe siècle, parvenaient encore à se classer à côté de Wagner.

Aussi pouvait-on constater, dès 1892, que de tous

  1. Le chiffre donné par les affiches de l’Opéra est purement fantaisiste ; cela a été signalé maintes fois, notamment par MM. de Gurzon et Soubies. Il est supérieur de 218 au chiffre réel de l’Opéra et inférieur de 94 au nombre total des représentations à Paris, qui est d’environ 1650 à l’heure actuelle. Il en est à peu près de même pour Roméo. L’Opéra, depuis quelques mois, a subitement augmenté le cliiffre des représentations d’environ 360 unités. 379 représentations en réalité ont été données avant 1888, et, depuis lors, l’Opéra a représenté environ 350 fois cet ouvrage. Le nouveau chiffre est inférieur au total des représentations parisiennes.