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la question wagner depuis la guerre

M. Masson lui-même ne s’était pas aventuré, n’étant pas de la partie. « Inconscient aveu », disait aimablement notre clairvoyant confrère J. Marnold, dans le Mercure de France[1].

Une question se pose, en effet, et qu’il est nécessaire d’examiner avant de discuter le « pangermanisme » de Wagner : le poète-musicien de la Tétralogie a-t-il causé un tort matériel et moral aux musiciens français ? A-t-il, pour parler franchement, empêché les musiciens français, — et leurs librettistes, ces ennemis nés de Wagner, — de toucher des droits d’auteur, de gagner de l’argent ?

Le théâtre moderne, — le fondateur de Bayreuth ne s’en est-il pas plaint amèrement en vingt endroits de ses écrits ? — le théâtre moderne, industrialisé, même s’il est subventionné par l’État, est régi, comme toute entreprise industrielle, par la loi d’airain de l’offre et de la demande. Pour équilibrer le budget dm théâtre lyrique, grevé de multiples frais accessoires, avec son orchestre, ses chœurs et son corps de ballet, un directeur est tenu (à moins d’être un mécène immensément riche) d’être un commerçant avisé et prudent, c’est-à-dire d’obéir aux goûts de sa clientèle, de gagner de l’argent. Le grand théâtre lyrique français, le « nouvel Opéra », inauguré en janvier 1875, avait pu vivre, pendant une dizaine d’années, de ses marbres, de ses dorures, de ses plafonds, de son fameux escalier : ce fut alors plutôt

  1. Mercure de France, avril 1915.