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haineuse de Wagner à l’adresse des Parisiens coupables d’avoir sifflé Tannhäuser en 1861 ; rancune qui se serait traduite, dix ans plus tard, dans Une Capilulation. Nous y reviendrons tout à l’heure. Il y a aussi une question culinaire qui semble préoccuper l’éminent académicien, ami de la musique italienne chère à nos pères, et des digestions qu’elle facilitait, à la feue salle Ventadour ; nous la négligerons.

Pour M. Saint-Saëns, lui aussi, la « germanophilie » se traduit surtout dans le succès de Richard Wagner et subsidiairement, dans le succès de l’autre Richard, Richard Strauss, concurrent redoutable sur la scène lyrique moderne. Mais le grand musicien qu’est l’auteur des Poèmes symphoniques et de Samson (son unique succès durable au théâtre), ne peut condamner la « germanophilie » qu’à partir de Wagner ; en deçà, le Saxon Bach, l’Autrichien Haydn, le semi-Autrichien Gluck, le Salzbourgeois Mozart, le Rhénan Beethoven, le Prussien Meyerbeer lui-même doivent conserver droit de cité chez nous. Toutefois, de crainte de tomber dans l’absurde, M. Saint-Saëns concède qu’on rétablisse le théâtre italien « où l’on nous donnerait Mozart, les Italiens anciens et modernes, et même de temps à autre (en italien aussi, peut-être ?) Wagner ayant quitté l’Opéra, délivré du charabia d’Alfred Ernst, qui déshonore la scène française. Une telle combinaison pourrait arranger bien des choses et concilier bien des intérêts[1] ».

Les « intérêts » ! Voilà enfin le grand mot lâché, et la question posée sur son véritable terrain, où

  1. Germanophilie, dans l’Écho de Paris du 8 septembre 1914.