Page:Prod’homme - Richard Wagner et la France, 1921.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
richard wagner et la france

L’expérience de l’Éden-Théâtre, due à la volonté d’un homme énergique, ne devait pas avoir de sitôt un lendemain. On savait que Lamoureux y avait laissé, de ses deniers, trois cent mille francs, ce qui n’était pas fait pour lui susciter des imitateurs. Wagner, étant donné l’état des esprits, ne pouvait donc conquérir le droit de cité à Paris qu’avec la protection du gouvernement, c’est-à-dire dans un théâtre subventionné. Quatre années se passèrent cependant, durant lesquelles on vit croître et décroître le Boulangisme, encore naissant en 1887, et qui atteignit son apogée vers l’époque de l’Exposition universelle de 1889. Cette manifestation internationale ne contribua pas peu à modérer le chauvinisme que le Boulangisme n’avait pu entraîner jusqu’aux suprêmes conséquences. Peut-être fût-on un peu honteux, dans les sphères gouvernementales et dans celles de l’art officiel, de n’avoir aucun des ouvrages wagnériens à offrir aux myriades d’étrangers attirés par la grande manifestation de l’industrie internationale ? Toujours est-il que, vers la fin du premier privilège de P. Gailhard comme directeur de l’Opéra, en 1891, on crut le moment venu, tant pour aider à maintenir de bonnes recettes que pour satisfaire à la curiosité du public dilettante, de faire jouer enfin Lohengrin à l’Opéra. Les mêmes absurdités que naguère reparurent dans la presse quotidienne ; les haines de boutique se firent jour dans les journaux des marchands de musique, tout comme en 1887. Mais, devant la volonté formelle du gouver-