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le wagnérisme en france avant la guerre

Simon Boubée dans la Gazette de France, Lohengrin avec le Rhin allemand ? Henri Rochefort, sous le pseudonyme de Grimsel, dans le Gil Blas proposait de rédiger ainsi l’afiiche de l’Opéra-Comique : « Lohengrino, tragédie lyrique en cinq actes, par Ricardo Wagnero » ; tandis qu’un des ennemis jurés de Wagner, Oscar Comettant, demandait, dans le Siècle, qu’on représentât Tristan et la Tétralogie « sans coupures ni modifications aucunes, tels que ces drames lyriques ont été conçus et exécutés par le divin maître ! » (11 janvier).

Les journalistes interviewaient Carvalho hésitant, Déroulède, qui prêchait l’abstention absolue à la Ligue des Patriotes, Boulanger et Diaz, qui disaient qu’on avait exagéré leur pensée : le temps n’était pas encore venu, disaient-ils, mais ils ne prétendaient pas organiser la résistance. Un journal de province, Angers-Revue y ayant adjuré les compositeurs français, Gounod, Saint-Saëns, Massenet, de Joncières, qui recevaient une large hospitalité au delà du Rhin, de faire cesser « une comédie dont le résultat ne peut être que de nous rendre ridicules aux yeux du monde civilisé », M. Saint-Saëns répondait dans la France du 24, que Meyerbeer, Weber, Mozart régnaient depuis longtemps en France, qu’il était juste, par conséquent, que des compositeurs français fussent joués au delà du Rhin. Si Lohengrin devait être une soirée de bataille, il préférait, quant à lui, relire la partition au coin de son feu. L’avant-veille avait eu lieu, à Berlin, une manifestation contre le compositeur français. La Philharmonique l’ayant engagé à diriger un de ses poèmes symphoniques, quand M. Saint-Saëns parut au pupitre, quelques sifflets se